Il était une fois dans l'Ouest

Publié le par Herodonte



Synopsis : Frank, un pistolero à la détente facile, utilise ses dons pour accaparer la richesse des autres. Il se sait menacé par un homme qui le poursuit inlassablement, sans pour cela en connaître la raison. Un air d'harmonica... il y a bien longtemps.

Mon avis :

Deux ans après Le Bon, La Brute et le Truand sorti en 1966, Sergio Leone revient avec Il était une fois dans l'Ouest. Un film qui est une démonstration magistrale des thèmes chers à Leone mais aussi de son style. Petit retour sur un chef-d'œuvre, selon moi.

   Trois inconnus aux mines patibulaires arrivent dans une gare presque déserte où deux employés vont se faire rondement mené par ces derniers. Ils attendent le prochain train ( référence à High Noon ?). Il fait chaud, on entend le souffle de l'Ouest et le grincement d'une éolienne. Aucune musique. Le train se fait entendre et les trois hommes se préparent, apparemment, à une confrontation. Le train est arrivé. Personne ne descend. Ils font volte-face et se préparent à reprendre leurs places quand une musique grinçante retentit. Un son provenant de l'harmonica d'un inconnu. Les yeux bleus pâles, la peau métissée comme mordu par le soleil. Il les toise et continue sa balade. Un échange commence. L'homme à l'harmonica pensait être accueilli par un certain Frank mais il n'y a que ses hommes de mains, trois. La tension monte. Ils se préparent à s'entre-tuer. Plan large suivit de gros plans sur ces visages d'hommes. Des balles jaillissent et fauchent trois vies. L'homme à l'harmonica, légèrement blessé, a le droit de continuer son chemin et de trouver ce fameux Frank...
Autre endroit. Un père et ses trois enfants se préparent à célébrer un mariage. Le mariage du père avec une nouvelle femme. Les tables sont assiégé de victuailles. La jeune fille, l'ainée, finit les préparatifs de ce qui s'annonce être une belle fête. Le cadet va se laver pendant que le benjamin rechigne à aller chercher sa belle-mère. Des perdrix s'envolent alors et des coups de feux troublent le silence... La fille s'effondre ainsi que son père cherchant à la protéger. Le benjamin est également tué. Dans un travelling avant mimant la course du cadet ,qui était à l'intérieur de la maison, vers la raison de ces bruits, le dehors, Leone nous livre une scène d'une beauté et d'une cruauté magistrale accompagné de la musique parfaite d'Ennio Morricone. Celle d'un enfant regardant les cadavres de sa famille mais aussi celle d'hommes se détachant de leur cachette en s'approchant vicieusement de l'enfant tétanisé, terrorisé. Dans une maladresse d'un des hommes qui dévoile le chef, Frank, derrière cette tuerie, ce dernier décide de tuer l'enfant.
Escamotant cette scène atroce par un montage abrupte dévoilant un train arrivant en gare, le réalisateur nous montre la future belle-mère, Jill, souriante et prête à découvrir sa nouvelle famille, son nouveau foyer. Personne ne vient. Elle décide de s'y rendre elle-même. Elle se fond alors dans une ville en pleine construction. Le chemin menant à Sweetwater la plonge dans l'Ouest américain. Un ouest américain encore vierge et où tout est possible. Comme l'espoir de vivre une vie nouvelle. De tout recommencer. D'accomplir des rêves.
A travers cet introduction qu'on peut arrêter à l'apparition de Morton, Sergio Leone parle de l'Ouest comme un symbole d'un renouveau, d'une renaissance. Tout les personnages du film inspirent à vivre autrement. Jill veut oublier son passé à la Nouvelle-Orléans. Frank veut devenir un homme d'affaires et se retirer de ce monde devenu trop violent pour lui. Harmonica cherche sa vengeance. Morton, un homme d'affaires malade, cherche à revoir la mer une dernière fois avant de mourir. Seul le Cheyenne, personnage romantique, semble échapper à cette constatation. Cependant, les rêves de chacun se confrontent à ceux des autres. Et comme l'a dit Leone lui-même " John Ford était un optimiste, je suis un pessimiste". Le rêve de l'Ouest américain ne sera pas celui de tout le monde...



   Dans la trilogie du dollar, Leone trouvait petit à petit son style. Hésitant dans Pour une poignée de dollars ( remake médiocre de Yojimbo), il le maîtrise dans Le Bon, La Brute et le Truand. Il était une fois dans l'Ouest est l'apothéose du style Leone. Il n'y a pratiquement pas de défauts.
On retrouve les visages sales, des paysages magnifiques mais dangereux. On retrouve la lenteur dans le rythme du film et cette fluidité sidérante de la mise en scène. Évidemment, on retrouve cette fameuse façon de montrer un affrontement. L'étirement du temps avant la mort. Ces plans larges accompagnés de gros plans pour dramatiser la scène, la rendre plus épique comme un évènement important dans ce territoire immense qu'est l'Amérique. Le réalisateur continue de garder ces symboles. Le cercle dans les affrontements finaux ( ou encore dans la mise à mort du frère d'Harmonica) qui représente peut-être le cercle de la vie que la mort peut briser. Mais aussi sa "trinité" qu'on aperçoit brouillonne dans Pour une poignée de dollars ( les deux familles et Eastwood), concrètement dans Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, La Brute et Le Truand ( on peut pas faire plus explicite !) et enfin dans Il était une fois dans l'Ouest avec Harmonica, le Cheyenne et Frank. Le réalisateur ne tombe pas dans la banalité d'un duo entre le bien et le mal mais dans une graduation de la nature humaine. Enfin, on peut parler du soin apporté aux décors du film qu'il voulait très réaliste.
Mais un Sergio Leone n'est rien sans sa musique. Et quelle musique ! Ennio Morricone livre une Bande-Originale parfaite. Chaque thème racontant sa propre histoire. Et c'est pour cela que le films s'appuie beaucoup dessus. Pas besoin de mots. La musique de Morricone et les regards des protagonistes racontent tout. La détresse de la sublime Claudia Cardinale en arrivant à la gare ou encore la mort de Morton sont sublimées par la partition et apporte une émotion comme on en voit rarement au cinéma. Elle apporte également un souffle épique indéniable. Le duel final étant la quintessence, l'orgasme de l'inspiration de Monsieur  Morricone.



   Je parlais plus haut du pessimisme de Sergio Leone et de rêves. Le film touche à quelque chose de terriblement humain que sont les rêves brisés et le changement.
En effet, Il était une fois dans l'Ouest n'est qu'une histoire de rêves qui ne se réaliseront pour la plupart jamais. Les personnages étant irrémédiablement rattrapé par le passé, les erreurs qu'ils ont commises. C'est pour cela que les personnages de Morton ou de Frank vont beaucoup plus loin que leurs rôles d'enfoirés de service. Comme le dit Frank à Harmonica avant le duel " - Je ne suis qu'un homme". Ils ont aussi des rêves. Cette partie d'eux font qu'on se sent tout de même compatissant à leurs égards. C'est un tour de force que j'aime beaucoup.
Il est également question de changement, de l'avenir de l'Amérique. Le constat est sans appel pour Leone. Elle court à sa perte. C'est la disparition de valeurs humaines ( qu'elle soient bonnes ou mauvaises) pour celle de la valeur financière. Il le déplore amèrement. Sans parler de prophétie, on peut dire qu'il a vu juste. C'est la fin des hommes. La fin du film est assez éloquente sur le sujet.

Il était une fois dans l'Ouest est un chef-d'œuvre que tout le monde se doit de voir. Il passe en ce moment à la Filmothèque du quartier latin. Les 2h45 passent très vite. Les acteurs sont excellents ( Jason Robards, Claudia Cardinale, le grand Henry Fonda qui joue le salaud merveilleusement bien et Charles Bronson). La mise en scène est d'une virtuosité folle. La musique grandiose. En deux mots: presque parfait.






Publié dans Critiques

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B
Par son utilisation de la musique presque statuée comme un personnage en elle même, et sa mise en scène de la violence d'une manière implicite, ce film restera comme un des plus grands westerns de tous les temps, rien à dire !<br /> Bonne continuation, Ben.
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